Manuscrits : l'Univers Fan-Fictions
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.



 
AccueilPortailRechercherDernières imagesS'enregistrerConnexion
Le deal à ne pas rater :
Cdiscount : -30€ dès 300€ d’achat sur une sélection Apple
Voir le deal

 

 Murmures de couleurs

Aller en bas 
AuteurMessage
Yunyun
Bavard(e)
Bavard(e)
Yunyun


Féminin Nombre de messages : 42
Age : 35
Emploi : étudiante
Date d'inscription : 06/09/2008

Murmures de couleurs Empty
MessageSujet: Murmures de couleurs   Murmures de couleurs EmptyMer 25 Nov - 1:10

Murmures de couleurs

Les mots glissaient sous ses doigts. Parfois, une nouvelle forme de phrase naquit contre sa peau. Le relief le propulsait dans de nouveaux mondes. Toutefois, ces histoires étaient des plus banales, sans saveurs particulières. Il aimerait tant pouvoir visiter de réels nouveaux mondes mais on lui disait froidement que ce n'est pas possible. L'évasion physique lui était impossible, quant aux livres, seuls quelques-uns avaient une traduction en braille. Malheureusement pour lui, il effleurait la limite. La ligne se finit, ainsi que ce livre. .. peu palpitant. Même s'il faisait partie des classiques, contrairement aux professeurs qui l'entourent, il ne lui trouvait rien de lumineux.

Quand j'ose émettre mon avis aux enseignants, se rappela-t-il, ces derniers s'empressent d'ajouter qu'à l'inverse des voyants, nous sommes plus avides aux beaux livres. Réponse inadéquate. Ces professeurs qui peuvent voir, ne comprennent pas que les descriptions des auteurs nous sont utiles pour distinguer ce que nos autres sens nous montrent ? Ce fait, ces personnes dites normales n'ont jamais pris en compte que la vue n'est pas un tout. Notre perception se construit de cinq sens, si l'un est déficient, les autres s'aiguisent, sont plus facilement cajolés par les éléments extérieurs. Pour ma part, il s'agit de l'ouïe qui est le plus sensible. Sens très utile pour savoir ce qu'il se passe autour, pour laisser divaguer mes idées, mais, il est aussi très désobligeant lorsque je surprends les conversations entres les professeurs.

La veille encore, il avait écouté une discussion qu'il ne dut pas entendre.

"- C'est dommage, n'est-ce pas ?
- Oui, toute son intelligence se perd à cause de sa non-voyance.
- Pourtant, coupa un autre professeur, il aurait pu faire de grandes choses… Même dans les langues étrangères, il a une prose surprenante.
- Je me demande comment il fait comme il ne voit rien. Alors comment peut-il décrire un ciel étoilé ? Une prairie verdoyante alors que…
- Non, tu ne penserais tout de même pas qu'il stimule une perte de la vision ?
- Impossible, trancha un troisième professeur, il est aveugle de naissance, c'est même indiqué dans son carnet de santé."

- Voyance, non-voyance, soupira-t-il.

A croire que sa propre existence se réduisait à cela. Ils croyaient qu'il ne pouvait faire aucun métier sous prétexte qu'il ne voyait pas. Mais tous les métiers ne se basaient pas sur la vision pourtant ! Toutefois, il n'avait toujours pas réussi à leur montrer… Souvent, ils leurs demandaient quels étaient nos rêves en classes, mais rien ne lui vint à l'esprit, alors les enseignants ponctuaient la conversation par un venimeux :

- Tu souhaites pouvoir voir au plus profond de toi, n'est-ce pas ?

A chaque fois, ma seule réponse est l'absence de son; le silence est la meilleure défense à l'offense.

Sur cette pensée finale, il referma le livre et le posa sur la table de chevet. Depuis qu'il était né, il se trouvait dans ce foyer pour jeunes aveugles. Et depuis un an, il était seul dans la chambre parce que la direction pensait qu'à partir de seize ans, ils devront devenir autonomes. Dès qu'ils atteignaient la majorité, le foyer leurs trouvait une résidence, tentait de débusquer un emploi, ainsi, en un mot : se décharger d'eux.

Nous abandonner, médita-t-il. Je n'ai jamais entendu d'anciens pensionnaires venir dans le foyer des mois après le début de la vraie vie, comme ils l'appellent entre ces murs, aucun d'entre eux n'est jamais repassé ici. Je trouve cela triste… et pathétique. Les personnes qui pourraient vraiment nous conseiller ne sont plus là. Je commence à douter de leur bon cœur à toute cette fichue institution.

Le strident son du carillon le fit sursauter, marquant durement les vingt deux heures. Là, le personnel de nuit passait dans toutes les chambres afin de vérifier si tout le monde avait bel et bien rejoint les bras de Morphée. Action assez ironique lorsqu'on annonçait à des personnes de seize ans et plus, qu'elles se devaient devenir autonomes, sans avoir le moindre choix de ses mouvements. Aussitôt, il ferma les yeux, laissa les pensées vagabonder à leurs aises. Un rayon de lumière frôla son visage et ses pensées s'égarent pour de bon.

***

Le soleil dissipa les dernières traces de la Lune dans un flot de poussière. Peu de temps ne s'écoula avant qu'un bruissement incessant d'enjambées s'éleva à travers la bâtisse. Les résidents du foyer quittèrent le pays des songes pour passer dans celui des sens. Lui aussi s'extirpa des rêves. Une curieuse sensation le frappa dès lors. C'était comme si quelqu'un l'avait observé la nuit durant. Il reconnut que cela était la première fois qu'il éprouvait ce genre de sensation. Il se massa les temps, pensant que l'histoire qu'il avait lue, l'avait finalement plus marquait qu'il ne le pensait. Alors qu'il sortit du lit, la porte s'ouvrit brusquement et une voix traversa la pièce, non sans agacement :

- Nathanael, comment ça se fait que tu ne sois pas déjà dans la salle de bain ?

Il appréciait là toute la sympathie des éducateurs et une nouvelle journée débuta, comme tant d'autres auparavant.

***

Alors que tous les couloirs étaient juste éclairés par les discrètes ampoules désignant les sorties de secours, un bruit de trappe surgit sous le lit de Nathanael. Celui-ci ne remarqua rien dans son sommeil ; après tout, il ne connaissait pas l'existence de cette porte à la situation incongrue. Il continuait à dormir paisiblement quand la trappe se referma brusquement. Aussitôt, une voix grave marmonna :

- Si je le réveille maintenant, je suis sûr que mon chef se fera une joie de me fricasser dans un bouillon brûlant de zépui.

Cette créature, visiblement fort mécontente, se révélait être une petite créature, pas plus grande qu'une pomme. Elle n'avait rien à voir avec un lutin, ni avec un diablotin. Elle avait des similitudes physiologiques avec les humains : une paire de bras et de jambes, un visage qui à s'en méprendre serait celui d'un jeune humain… mis à part pour ses couleurs. En effet, les quelques cheveux qui se promenaient sur sa tête étaient d'un bleu nuit profond, quant à sa couleur de peau, elle tirait sur l'orange. Mais ses actions étaient encore plus étranges que son physique en lui-même. De sa poche, il sortit un petit cube noir où il tapota les faces dans un ordre qui semblait être prédéterminé. Une fois finit, la créature fut prise d'une impatience notable en piétinant le sol rapidement, il ne s'arrêta que lorsqu'une imagine s'afficha devant lui.

Un sourire se dessina sur le visage de la créature. Derechef, il se parla à lui-même :

- La trappe est au bon endroit… L'humain a l'air d'être le bon. Je n'ai plus qu'à installer tout ce qu'il faut… Héhéhé.

La créature se frotta les mains, tout se passait comme prévu, bientôt il serait célèbre.
Le cube disparut et laissa place à un paon miniature en roue. La petite créature glissa les doigts entre les plumes arc-en-ciel, tout en hochant la tête. Elle voyait comment s'y prendre, un plan des plus compliqué devrait être mis en place, mais c'était tout à son honneur ! Elle était assez fière d'avoir été choix par son chef pour exécuter cette mission. Cependant, son orgueil serait d'autant plus grand si elle parvenait où tous les autres personnes de son espèce avaient échoué. On le reconnaîtrait enfin ! Elle claqua des doigts et le paon s'effaça. Dès lors, la créature s'activa dans la chambre de Nathanael, toujours en silence. L'aube perça l'obscurité de la nuit, et la créature se rua dans la trappe. Personne ne devait le voir, surtout pas l'humain ! Pas tout de suite !

***

Pour la seconde fois, Nathanael se réveilla en ayant l'impression qu'il y avait quelqu'un d'autre dans la chambre. Cela était purement impossible : les éducateurs s'annonçaient toujours ! D'ailleurs, en écoutant les pas qui se disséminaient dans le couloir, il savait qu'il avait encore un peu de temps avant que quelqu'un ne vienne le voir. Alors, il se leva, et utilisa un mode de repérage qu'il n'appréciait pas vraiment mais qui se révélait extrêmement efficace et redoutable. Un claquement de langue surgit, puis un autre qui se suivit d'un pas. Ainsi, Nathanael pouvait avoir une représentation de la chambre dans son esprit mais rien ne venait changer le plan de la chambre qu'il connaissait.

- Bizarre… Chuchota-t-il, vraiment intrigué par sa désagréable sensation.

Mais sans plus attendre, il reprit ses habitudes, se perdant dans un monde sans compassion et de solitude. Il aurait tellement aimé discuter avec les autres jeunes, mais les éducateurs faisaient tout pour leurs faire garder le silence. Le seul moment où ils pouvaient échanger quelques mots librement était l'heure du repas.

Est-ce vraiment un foyer ou une prison ce lieu ? Plus le temps s'écoule plus cette question s'impose… Songea-t-il. Personne n'agit ici comme on peut le lire dans les histoires. L'amour serait-ce l'indifférence ? Difficile à croire d'après le dictionnaire…

Un bref soupir s'échappa des pensées de Nathanael. Il savait qu'il devrait encore supporter cet environnement austère pendant quelques mois. Son dix-huitième anniversaire arrivait à grands pas. Mais les seuls pas qu'il entendit furent ceux du directeur du foyer : monsieur Smith. Ce dernier tapotait le bureau avec un crayon à papier, un son qui avait le don d'irriter Nathanael. Cependant, celui-ci se contrôla, il ne devait pas perdre son sang froid devant le directeur… La liberté avait ce prix, quelques sacrifices auditifs n'étaient rien comparés à sa future autonomie, car Nathanael avait l'ambition de couper tous les contacts avec cette institution dès qu'il aurait suffisamment de vivre. Il espérait qu'ils trouveraient un travail qui ne soit pas sous payé et il savait pertinemment que c'était loin d'être une partie gagnée.

Le crayon rebondit incessamment alors que le directeur parlait :

- Nathanael, tu vas bientôt avoir dix-huit ans, tu sais que bientôt le foyer ne pourra plus te garder. Alors, notre mission est de te trouver un travail. Tu as un souhait particulier ?

Oui, au fond de lui-même, Nathanael avait un rêve bien précis. Il voulait jouer avec les oscillations de la musique, régler les différents sons dont une chanson était composée, mais il savait éperdument que personne ne lui aurait cherché un post dans cette branche de métier. Une nouvelle fois, il savait que son handicap serait encore une fausse excuse. Alors qu'il savait qu'il avait l'oreille musicale. Les cours de musique l'avaient bien souligné, mais il était enchaîné à cette claustration visuelle. Il ne pouvait que mentir pour accéder à son rêve.

Stimulant une certaine gêne, en se dandinant sur la chaise, Nathanael partagea son souhait :

- Je sais très bien que beaucoup de métiers me sont inaccessibles, mais j'aimerai beaucoup enseigner à d'autres enfants comme moi, la lecture du braille.

Les rebonds du crayon cessèrent et les traits du visage du directeur se radoucirent. Nathanael sentit un changement d'humeur, mais il resta quand même dans son rôle, ne prenant pas le risque de faire un faux pas. Si le directeur l'inscrivait à l'université pour devenir enseignant, il aurait toutes les chances possibles pour trouver des études concernant le son. Toutefois, le jeune aveugle ne devait pas afficher un sourire, pas encore.

- Et bien, voici un choix qui ravira certains éducateurs ! Tu sais, beaucoup pense que tu es plus intelligent que la moyenne ?

Je le sais, pensa amèrement Nathanael, mais ce n'est pas pour autant qu'ils nous font plus confiances…

- Vraiment ? s'étonna Nathanael, jouant le jeu de cette pitrerie de situation.
- Oui, c'est le cas. Il est vrai que cela a de quoi étonner, comme vous êtes tous traités de la même façon, impossible à toi de le savoir…

Les murs ont des oreilles plus fines que vous pouvez le savoir… Annota mentalement Nathanael.

- …Sinon, continua Smith, je pense qu'on va pouvoir trouver une manière pour que tu puisses devenir enseignant. Tu as toutes les capacités pour, finit-il, cependant ses agissements montraient une indifférence à la situation de son dit protégé.

La discussion s'estompa peu de temps après, laissant l'après-midi de libre pour le futur majeur. Cependant, cet échange lui laissa un goût d'inachevé, comme s'il lui manquait toujours les éléments clefs pour sa vie après. Tout ce qu'il connaissait de la vie d'après, il ne savait pas si tout était réel. Quelques-unes de ses lectures s'étaient montrées contradictoires sur bien des points et les éducateurs refusaient de lui dire ce qui était vrai ou faux. Il avait l'impression que plus il avançait, plus ses certitudes n'étaient que des pensées floues, sans fondements concrets.

Vivre dans un cocon est bon pour la sénilité, mais je ne suis pas encore fou, réfléchit-il, savourant un sirop à la menthe glacée. La solution ne doit pas se trouver bien loin pourtant…

***

Une nouvelle journée marqua son glas lorsque les ténèbres envahirent le ciel. Une nouvelle page se tourna alors que le couvre feu était mis en place depuis quelques heures déjà. Mais Nathanael avait découvert ce livre par hasard, mais il ne pouvait pas s'en lasser. Süskind avait créé une oeuvre d'étonnant ! Grâce à toutes ces descriptions détaillées, Nathanael associait des objets banals à des senteurs dont il n'aurait jamais pensé faire le rapprochement. C'était un véritable régal sensoriel déroutant. Les mots s'enchaînaient les uns aux autres, le plongeant dans un nouveau monde sans qu'il sortît de ce séjour détonnant. Ses doigts étaient avares de la suite, alors que son esprit n'arrivait pas à savoir ce que Grenouille avait en tête.
Revenir en haut Aller en bas
Yunyun
Bavard(e)
Bavard(e)
Yunyun


Féminin Nombre de messages : 42
Age : 35
Emploi : étudiante
Date d'inscription : 06/09/2008

Murmures de couleurs Empty
MessageSujet: Re: Murmures de couleurs   Murmures de couleurs EmptyMer 25 Nov - 1:12

Plongé dans la lecture, Nathanael n'avait pas senti la présence de la créature. Ce soir-là, c'était le grand soir pour elle. En une fraction de seconde, elle sortit de la trappe et se hâta vers un pied du lit. Le paon se dévoila et dans un cri étouffé, fit apparaître des échasses. La créature s'hissa sur l'objet qui faisait, au bas mot, le double de sa taille. Une fois parfaitement arrimé, il sortit de sa cachette. En un bond feutré, il se trouva sur le lit, dans l'indifférence de Nathanael. Un instant plus tard, la créature mit sa machination en route, et grandit, grandit, grandit, jusqu'à ce que sa silhouette occupe toute la pièce. Là, il dévoila des dents pointues, se composant d'une double rangée derrière des lèvres gorgées de sang. Son front se fronça, leva les bras tel un zombi, mettant en avant des ongles dans un état pitoyable.

Mais, Nathanael ne sentit rien de tout cela, le livre était tellement passionnant que le monde autour de lui n'était que chimère.

La créature était finalement à son poste de combat, il était prêt pour le lancement dans quelques secondes. Elle attendait juste le moment crucial. Nathanael tourna avidement une page et…

- BOUH ! rugit la créature par une puissante voix rauque.

Nathanael sursauta, il ne serait d'où venir la voix tant le son résonnait de toute part dans la pièce. Le seul réflexe qu'eut le jeune homme fut de demander rapidement :

- Qui est là ?

Le sourire malsain de la créature s'ouvrit d'autant plus, gémissant un dérangeant "héhéhé" d'une voix aiguë cette fois. Nathanael fronça les sourcils, le son semblait parvenir de la même source, pourtant le timbre de la voix était différent et il ne sentait aucune présence dans la pièce. Tout était vraiment étrange. Quelqu'un était là, sans qu'il le soit vraiment. Il n'avait jamais vécu cette situation avant. Alors, il réédita sa question, un peu agacé.

La créature balança sa tête de gauche à droite. C'était vraiment étrange. D'habitude, les gens hurlaient dès qu'il le voyait… Et il repartait aussitôt dans son monde, preuve à l'appui qu'il était effrayant. Mais là, rien de tel. Il y avait vraiment un problème avec ce gamin. Rien que l'apparence lointaine des humains à cause de ses couleurs faisait hurler ces derniers. Quelque chose ne tournait vraiment pas rond. Alors, qu'il n'allait pas plus longtemps tourner autour du pot.

- Tu n'as pas peur des monstres ?

Un petit sourire de surprise effleura le visage de Nathanael. Quelqu'un lui faisait une farce, il en était certain.

- Depuis quand les monstres existent-ils ?
- Et depuis quand n'existeraient-il pas ? enchaîna la créature.
- Rien ne prouve qu'ils existent, répondit Nathanael, au tac au tac.
- Ouvre tes yeux, suggéra la créature qui venait juste de s'apercevoir que l'humain avait les yeux clos.

Nathanael obéit, non sans sourire, et d'une voix neutre prononça :

- Rien ne change.

La créature tapota sur les échasses ce qui provoqua l'extinction de son système d'hologramme, fort mécontent que sa brillante invention ne serve à rien. Il s'approcha du livre que tenait toujours Nathanael entre ses mains. Derechef, il balança sa tête, air scrutateur, fixant les yeux de Nathanael. C'était là que rien n'était normal. Sa connaissance des humains n'était pas sans faille mais les yeux de cette jeune personne étaient opaques, chose dont il n'avait jamais vu encore.

- Tu ne vois pas ? Susurra la créature.

Nathanael ne put contenir un lourd soupir.

- Bien joué Sherlock Holmes, en même temps, tu sais que tu es dans un foyer pour aveugles.

Avant que la créature ne puisse dire quelque chose, Nathanael poursuivit :

- Maintenant que tu t'es bien amusé, retourne dans ta chambre avant qu'un éducateur n'arrive… Sinon on va avoir des ennuis !
- Educateurs ? Grinça la créature.

Un soupir irrité fendit l'air.

- Tu as fini ton cirque ? File maintenant ! Avec le bruit que tu as fait, quelqu'un va bientôt venir !

La créature émit un rire peu rassurant.

- Tu n'as toujours pas compris que seule ta chambre était exposée à ce bruit ?
- P..pardon ? Bafouilla l'aveugle.
- Comme tu ne peux pas voir, tends ta main, paume vers le plafond.

En silence, Nathanael exécuta le geste, spéculant qu'il s'agissait d'un rêve.
Un petit claquement de dents parvint aux oreilles de l'adolescent, et la créature se débarrassa de sa double dentition. D'un bond, elle se trouva dans la main tendue.

- Alors, penses-tu qu'un humain fasse cette taille ?

Nathanael resta sans voix. C'était impossible ! Ce n'était qu'un mauvais rêve et il allait se réveiller ! Il secoua la tête, se pinça la cuisse de son autre main, mais, rien n'y faisait. Ces gestes rendit hilare la créature.

- Tu croyais vraiment rêver ? Pauvre chose…

Le dernier mot prononcé poussa Nathanael hors de ses gonds, il détestait plus que tout être abaissé, les éducateurs passaient assez de temps à le faire déjà.

- Alors, qui es-tu au lieu de t'amuser aux devinettes sans saveurs !?

La créature s'assit en tailleur, Nathanael sentit qu'elle devait avoir le menton posé dans l'une main, selon le nouveau centre de gravité qu'elle s'était dotée.

- Je m'appelle Khuong, de la tribu des Uaky, spécialiste dans la frayeur humaine. Annonça la créature, fière de ses origines.
- Frayeur humaine ? Répéta Nathanael hagard.
- Oui, c'est un métier comme un autre dans mon monde.
- Si tu le dis… Mais tu sembles bien gentil pour quelqu'un qui doit effrayer ? Tenta l'aveugle de le questionner.
- Je ne pourrais pas te faire peur… Autant parler ! J'ai toujours été curieux des humains, ils sont si étranges.

Nathanael ne put répondre que par un simple hochement de tête. Cette phrase le plongea dans son propre questionnement sur ses semblables. Mais très vite, son attention revint sur cette curieuse créature. Il devait l'avouer, sa curiosité prenait le dessus, et comme ce Khuong avait l'air bavard, Nathanael hasarda une autre question.

- Comme je ne vois pas, tu peux me dire comment tu es ?
- Sans refus. Au niveau de la biologie, mon espèce est très proche des humains, seules les couleurs diffèrent. Nos cheveux sont bleus, les miens sont plus bleus foncés. Notre peau contrairement à la votre soit blanche ou plus sombre, voire carrément noire, reste toujours orangée. Je dois dire que les femelles ont une véritable peau de pêche mais je m'égards devant un être normalement encore pur. Aussi nos yeux peuvent avoir toutes les couleurs possibles, ce qui…

Khuong ne termina pas sa phrase. Une autre masse se fit sentir sur la paume de la main.

- Qu'est-ce que… ? Questionna l'humain.
- Juste mon paon pour me dire que je dois partir.
- Ah… La voix de Nathanael trahissait sa déception. En la figure étrange de Khuong, il avait quand même pu échanger quelques mots. Chose non négligeable dans ce monde froid où il vivait encore.

- Désolé, mais mon peuple m'appelle… Si cela pouvait vraiment être le cas. Baragouina la créature.
- Au revoir alors…. Souffla Nathanael.

Khuong releva la tête vers Nathanael. Cet humain était surprenant, il ne rentrait à aucun cas qu'il avait appris durant toutes ces années dans son métier. Tout son être voulait en savoir plus. Mauvaise curiosité, en principe, il n'avait pas le droit de revoir un humain qu'il avait déjà visité. Le règlement était très clair sur ce point. Mais, il y avait ce petit vice à l'intérieur de lui qui le poussait à revenir. Un élément imperceptible, un fait qui changerait de son quotidien. Il se pencha et tapota la main de Nathanael.

- Je reviendrai.

Sa masse se fondit à celle de l'air, Nathanael referma sa main, le vide se faufila entre les doigts. Peut-être avait-il rêvé de tout cela…

***

Quelques semaines s'étaient écoulées, son choix pour l'orientation était maintenant figé. Tous les enseignants et éducateurs n'avaient plus que le mot orientation en bouche. Nathanael crut en devenir malade. Ils ne cessaient pas de le prononcer, sans jamais dire comment on s'organise pour remplir des papiers administratifs, sans jamais leur dire quels seront leurs droits. La vie dans un sombre cocon poursuivait inéluctablement son cours.

Il avait de plus en plus de mal à gérer cette situation surréaliste, d'autant plus que la créature, au nom de Khuong, n'était pas revenue. Il se persuadait qu'il avait imaginé cette conservation, que tout n'était que le fruit de son imagination. Seulement, une part de lui ne voulait pas le croire.

Une semaine passa encore, Nathanael se coupait de plus en plus des autres personnes. Il n'avait jamais été démonstratif avec les autres élèves, mais là, même pendant les cours, sa participation se faisait rare. Dans un premier temps, le jeune homme songea que le directeur le convoquerait pour lui dire de se ressaisir, mais rien n'était rien de tout cela. L'imperturbable routine était en marche et ne semblait pas avoir d'élément perturbateur. Le pire dans tout cela, il ne restait que six semaines avant son anniversaire. Son rêve réchauffait et dissipait toujours ses incertitudes. Cependant, la tension qui l'entourait était toujours plus compliquée à porter. Il vint même à haïr cette intelligence dont on lui avait vanter les mérite. Sans elle, peut-être qu'il n'aurait pas eu tout ces doutes. Peut-être. Rien n'était sûr. Il ne pouvait faire que des spéculations.

Sa main longea le mur. Le bout de ses doigts suivait le relief du crépi du mur. Haut, bas. Petite montée de moral, terrible baisse. Sa vie n'était que cela. Un cercle qui n'avait pas de fin, pourtant, il avait l'impression qu'il y avait plus souvent du mal que du haut. Les livres n'arrivaient même plus à le sortir de la morosité qui l'avait envahi.

Une fois arrivée dans sa chambre, il ouvrit la fenêtre. L'air frais stimula le sang le long de ses joues. Un hululement lointain lui chatouilla les oreilles. La nuit était douce, fraîche et agréable. Un soupir se fonda au vent et il posa sa tête sur le rebord de la fenêtre, appuyant tout son poids sur une seule jambe.

- Piètre spectacle, l'humain.

Nathanael sursauta.

- Khuong ?
- Et oui, c'est moi. Un peu en retard, mais j'ai été très demandé ces derniers temps…

Le jeune homme balaya la réponse d'un signe de la main. La créature analysa ce geste comme un manque de politesse de sa part.

- Hm, c'est vrai. Je ne t'ai pas demandé ton nom la dernière fois.
- Nathanael.

Khuong prit place sur le lit, bascula la tête tel un métronome.

- Tu n'as pas l'air d'être heureux.
- Vraiment ? Comment tu te sentirais si tu avais l'impression que tout n'était que transparence ? Que toi aussi, tu es transparent ?
- Réponse type humain, réponse type humain ! Se répéta Khuong.

Il y eut un court silence et la créature le rompit.

- Je ferai tout pour ne plus l'être.
- Facile à dire.
- Facile à faire… Tu me parles là. Tu n'es pas transparent. Raisonna Khuong.

Nathanael ne put que répondre par un bruit de bouche assez peu flatteur, ce qui provoqua un soupir de la part de son comparse.

- Donc ce n'est pas ça. Qu'est-ce qui te préoccupe alors ? Demanda-t-il sous un autre angle.
- Mon anniversaire.
- Hoho ! S'exclama Khuong, frappant dans ses mains, il va falloir fêter ça !

Nathanael se retourna, il se concentra quelques secondes, et trouva la respiration de la créature.

- Sors de mon lit, tu n'as rien à faire ici !
- Ce n'est pas la politesse qui t'étouffe… Dans mon pays, on t'aurait déjà donné en pâture à des jyapus !
- Peu importe ! S'exclama Nathanael, dont sa patience frôla la fin.
- Tu es vraiment de mauvaise humeur aujourd'hui… Tu m'expliques ?
- Si ça peut te faire taire ! Grommela Nathanael.

Le jeune aveugle prit place sur son lit, s'adossa contre l'oreiller et débuta son récit. Il expliqua tous ces doutes, sa méconnaissance de la vie hors de ses murs. Le fait qu'il n'avait pas de famille, le personnel du foyer lui avait expliqué que ses parents étaient morts dans l'incendie de leur maison et que personne n'avait voulu s'occuper de lui parce qu'il était aveugle. Peu à peu, devant une créature dont il ne savait pas si ce n'était pas le fruit de ses doutes, il sentait les larmes glisser contre ses joues. Il venait même à douter de son rêve : cela ne s'était jamais produit auparavant. L'hypocrisie sur sa cécité le rendait malade. Tout tournait toujours autour de ce mot. Aucune action ne pouvait être décidée sans se poser cette question. Il ne pouvait plus du leurre de ce foyer, et en même temps, il ne pouvait pas vraiment le quitter.

Le flot de parole se déversa encore et encore, Khuong n'arrivait plus à tout saisir, les pensées de Nathanael s'entrechoquaient dans les mots, créant des phrases sans sens. Toutefois, la créature le laissa sur cette pente ; finalement, les Uaky et les humains étaient aussi proches sur la phycologie. Lorsque Nathanael eut un hoquet de pleur, Khuong lui tapota la main. Il le réconforta par quelques mots gentils puis il s'excusa :

- Je ne vais pas pouvoir rester plus longtemps. Repose-toi bien et je reviendrais avec une surprise.

Khuong souffla sur le jeune homme qui s'endormit aussitôt. Les Uakys avaient quelques pouvoirs surnaturels contrairement aux humains.

***

Tous les soirs, pendant deux semaines, Nathanael attendait impatiemment la venue de ce petit bonhomme. Il veilla tard dans la nuit, passant souvent les coups de minuit. Cependant, Khuong était aux abonnés absents. Nathanael inspecta chaque parcelle de la chambre afin de trouver une porte, un détail anormal… en vain. Sa chambre n'avait pas de porte dissimulée. Il ne pouvait qu'attendre encore et toujours.

Ce soir là, il prit un quelconque livre et parcourut les lignes. Il lisait sans lire, son esprit était ailleurs. Dans quelques jours, sa vie allait changer et il ne savait dire comment. Il accentua son appui contre l'oreiller. Ses idées venaient et allaient dans son cerveau, sans parvenir à une solution distincte.
Revenir en haut Aller en bas
Yunyun
Bavard(e)
Bavard(e)
Yunyun


Féminin Nombre de messages : 42
Age : 35
Emploi : étudiante
Date d'inscription : 06/09/2008

Murmures de couleurs Empty
MessageSujet: Re: Murmures de couleurs   Murmures de couleurs EmptyMer 25 Nov - 1:12

- Alors c'est comme ça que tu t'occupes ?
- Je n'ai que ça à faire… Répondit évasivement Nathanael, et comme tu n'étais pas là…
- Oui, je sais, mais ça a pris plus de temps que prévu. Prononça Khuong, un dépité.
- Ça ?
- Hm, ton cadeau qui…
- Mais, ce n'est pas aujourd'hui ! Déclara Nathanael, incongru.
- Je sais parfaitement.
- Alors pourquoi là ?
- Parce qu'il faudra un temps d'adaptation, un peu comme de la convalescence. Faire cela le jour de ton anniversaire ne serait pas convenable, d'autant plus que tes humains vont te montrer ton nouvel appartement ce jour-là. J'ai bien compris, n'est-ce pas ?

Le jeune homme hocha la tête, Khuong l'avait bien écouté la dernière fois et il devait se faire une raison : c'était impossible qu'il rêve de tout cela.

- Alors, tu fermes les yeux et tu évites de bouger, jusqu'à ce que je te le dise, d'accord ?

Lèvres closes, Nathanael fit un simple mouvement de tête. Oui, il avait confiance en lui, plus qu'envers n'importe quel humain en vérité.
Khuong jeta un coup d'œil rapide. Il n'avait jamais cru qu'il aiderait un humain un jour. Même s'il s'était rarement parlé, il s'était attaché à lui. Leurs joutes oratoires étaient plus divertissantes que celles qu'il pouvait avoir avec les autres Uakys. Bien sûr, cela ne faudrait jamais les plaisirs avec la gente féminine toutefois, ce qu'il avait trouvé en Nathanael était sans prix. Si un autre Uaky venait à découvrir qu'il avait usé de ses pouvoirs pour transformer un humain, il serait sans brefs délais, banni de la tribu, mais il n'avait pas peur de cela. Il avait pris une résolution et il avait l'intention de la garder.

Il soupira des mots dans une langue inconnue de Nathanael, et le paon vint à ses cotés. Khuong dissémina quelques caresses dans son plumage et chuchota :

- Restauration de la forme quatre tiret deux.

Le paon perdit ses couleurs, ses plumes, sa forme animale même pour se transformer en une boite noire sans éclat. Khuong y déversa une poudre scintillante, il marmonna quelques mots intelligibles. Le récital terminé, il se hissa sur une épaule de Nathanael, qui se demandait ce qu'il pouvait bien fabriquer. Dans la seconde qui suivit, la créature saupoudra les yeux du jeune homme, puis il descendit pour se placer devant lui. Il frôla de nouveau la boite qui reprit la forme d'un gracieux paon. De longues minutes ponctuèrent le silence quand Khuong posa une question, non pour le moins, surprenante :

- N'ouvre pas les yeux et réponds à ma question. Tu peux garder un secret ?
- Oui… Glissa Nathanael.
- Alors ouvre les yeux…

Les paupières se relevèrent doucement, cependant cette action fut trop brusque, Nathanael eut l'impression qu'il fut frapper par un poignard. Dans un brusque réflexe, il posa ses mains sur les yeux.

- Qu'est-ce…. ?

Non, cela ne peut pas… Il ne peut pas m'avoir fait ça ? Se questionna le jeune homme.

- Vas-y lentement, tu comprends pourquoi je te parlais de temps d'adaptation.

Nathanael hocha la tête, et entrouvrit les yeux. La lumière le submergea encore, la douleur était forte, mais l'intensité était moindre. Il resta quelques minutes, les paupières ouvertes de seulement quelques millimètres. Lorsque la douleur fut inhibée, il espaça la distance entre les volets des yeux. Cette fois-ci, il n'y avait aucune trace de douleur. Seulement, le spectacle qui était là, était d'une toute autre nature. Il recula lentement les mains, les formes qu'elles formaient, reculaient en même temps qu'elles. A cet instant précis, il eut la preuve de ce qu'il présentait. Khuong lui avait offert la vue. Il n'avait jamais demandé cela, et il devait l'admettre : avec la vue, n'importe quelle chose pourrait être à sa portée.

Dans une lenteur démesurée, il plaça ses mains le long de ses jambes. Il emmagasinait l'information, faisant concorder le touche, l'ouïe à la vue. C'était plus compliqué qu'il ne le pensait…Il espérait que cela ne serait que temporaire. Il souleva doucement son visage, et détailla la chambre de gauche à droite. Seulement, les rares rayons de lune qui filtraient ne lui permettaient pas de faire la part des différents éléments de la pièce.

- Khuong ? L'appela-t-il fébrilement.
- Oui ?
- Je peux te demander quelque chose ?
- Evidemment.
- Tu peux allumer la lumière, s'il te plait ? La voix de Nathanael n'était qu'une simple vibration.

Khuong se dirigea vers la table de chevet, et conseilla à son ami de fermer les yeux de nouveau. Nathanael suivit son conseil sans broncher. La lumière irradia la chambre, frôlant la peau de jeune homme, il pouvait le sentir. Il respiration doucement, alors qu'il entendait Khuong se diriger quelque part de l'autre coté du lit. Il calma ses sens affolés et reproduit les mêmes mouvements. Cette fois-ci, aucune douleur ne le traversa, le volume des objets s'articulèrent devant lui. Il referma les yeux, se rappela la place de chaque objet puis les rouvrit. Ainsi, il put poser un nom sur chacun des nouveaux éléments qui se tenaient autour de lui. Simplement, il ne savait pas quelles couleurs correspondaient à quoi. Soudain, il fut frapper par un nouveau fait, il ne savait pas à quoi Khuong ressemblait… Grâce à lui, il pourrait savoir les couleurs !

- Khuong, tu es où ?

Cependant, l'Uaky se cachait derrière un revers du drap. Son apparence aurait pu faire peur à Nathanael, et il pourrait perdre le contact qu'il avait avec lui. Chose inconcevable pour ce petit être, pas après le don qu'il venait de lui faire. Khuong se lova contre le paon, et répondit doucement :

- Tu es sûr de vouloir me voir ? Sa voix trahissait qu'il avait perdu toute confiance en soi.
- Bien sûr ! Quelle idée !
- Je te rappelle que mon métier est d'effrayer les humains… je ne veux pas que tu ais peur de moi.
- Cela ne sera pas le cas.
- Alors ferme les yeux, et tends la main.

Comme lors de leur première rencontre, Khuong grimpa sur la main de Nathanael. Dès qu'il fut installé, il déclara que le jeune homme était libre de faire ce qu'il voulait. Nathanael ouvrit les yeux et regarda sa main, sa seule réaction fut de sourire. Il ne voyait pas en quoi, il aurait pu avoir peur de lui. La réaction détendue du garçon rassura Khuong. Finalement, tous ses efforts n'avaient pas été vains, il espérait juste que son sort durerait longtemps…Autant le mettre en garde.

- Merci Khuong. Déclara clairement Nathanael, un large sourire toujours affiché.

Khuong sourit à son tour, avant d'avouer :

- Il se peut que tu perdes ce sens n'importe quand. Je ne sais pas combien de temps ce sort peut tenir…
- Ne t'en fait pas pour cela… Tu as déjà beaucoup fait… Je peux te poser une autre question ?
- Naturellement.
- Tu peux m'annoncer les couleurs ?

Khuong appela le paon, ce qui fit sursauter Nathanael, après quelques brèves explications comme quoi, les paons étaient dans son monde, comme des chiens pour les humains, même un peu plus. Un arc-en-ciel de couleurs se déploya devant ses yeux, cependant, il avait l'impression de n'en voir que trois distinctement, les autres n'étant que des dégradés.

Nathanael pointa du doigt les trois couleurs qu'il nommât : noir, blanc et rouge. Les autres n'étaient que des dérivées. Le bleu de Khuong n'était qu'un vague noir estampé, la peau de celui-ci, un blanc sali. Le sourire qu'affichait Khuong s'effaça ; il comprit qu'il avait dû faire une erreur quelque part et il serait impossible d'y remédier. Khuong fixa le sol et dessina du bout des lèvres :

- Je me suis trompé… il te manque des couleurs… beaucoup de couleurs, je…
- Ce n'est pas grave ! Le coupa aussitôt Nathanael, c'est déjà beaucoup… je n'ai jamais espéré voir…

Le paon sauta en un cri, Khuong se retourna vers lui en un soupir.

- L'heure de regagner mon monde. Je ne peux pas rester plus longtemps. Je reviens dès que possible.
- J'ai l'habitude ne t'en fait pas. Tout ira pour le mieux, maintenant.

Je sais que je ne rêve pas, que les rêves ne sont pas des chimères et que l'attente une bonne conseillère, songea-t-il.

- Une chose, reprit Khuong, ne montre à personne de ce foyer ton sens. Ils ne doivent pas le savoir. Quand tu seras parti d'ici, tu pourras avouer aux gens que tes yeux sont valides mais pas avant.
- Je sais le pourquoi, si je ne suis plus aveugle, j'aurai des ennuis. Encore merci.

Khuong, ainsi que son paon, disparurent en un clin d'œil.

Soupirant, Nathanael ferma les yeux, un début de migraine le prit, son cerveau ne devait pas être encore habitué à ce sens, il devrait apprendre à s'en servir doucement, lentement, avec parcimonie. Il se blottit dans les couvertures, il n'avait plus que quelques courtes semaines à passer là. Son anniversaire marquerait le début de quelque chose, bien plus important que l'autonomie. Peut-être qu'il reverrait Khuong avant, il ne lui avait jamais demandé ce qu'étaient ces drôles de choses dont les noms lui semblaient archaïques. Cela serait un bon moyen pour qu'ils gardent contacts.

***
Les mois avaient filé, Nathanael avait découvert ce qu'était la beauté de l'aube et de l'aurore. Il affectionnait ses moments-là. Il avait même tenté de les fixer sur une toile, mais le résultat d'après Khuong n'était pas vraiment une réussite. Chaque jour, il apprenait une nouvelle chose ce qui le comblait que davantage.

Il retira la clef de la porte de son appartement. Il aimait entendre le cliquetis du verrou. A chaque fois, il lui rappela combien il était libre maintenant. Sa vision n'était peut-être pas complète, mais il avait tous les sens à lui. Il comprenait mieux tout ce qu'on lui disait depuis tant d'années. Une page de la vie s'était tournée. Avec cet apogée des sens, son rêve n'était plus qu'à quelques murmures de lui. Peu lui importait que les couleurs n'avaient que trois teintes à ses yeux, il était enfin heureux. Il menait sa vie comme il l'entendait. Bien sûr, tout n'était pas facile, mais il avait un bon ami pour l'aider. Un ami un peu étrange, de petite taille, au sens de l'humour parfois douteux. Peut-être qu'avec le temps, il arriverait aussi à faire autres bonnes connaissances humaines…. Et peut-être teindre sa vie avec de nouvelles couleurs.

Fin.

Merci si vous avez lu jusqu'à la fin. Cette fic me laisse un sentiment étrange. J'ai l'impression d'avoir fini un scénario sans avoir écrit ce que je voulais. Mais je vous laisse juger par vos propres sensations.
Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé





Murmures de couleurs Empty
MessageSujet: Re: Murmures de couleurs   Murmures de couleurs Empty

Revenir en haut Aller en bas
 
Murmures de couleurs
Revenir en haut 
Page 1 sur 1

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Manuscrits : l'Univers Fan-Fictions :: Créations personnelles (inventions)-
Sauter vers: